CANCER ET DOULEUR
« Les douleurs liées au cancer auxquelles je suis confronté sont de natures diverses. Il peut s’agir de douleurs révélatrices de la maladie, de douleurs liées à l’évolution même du cancer localement ou à l’apparition de métastases souvent osseuses. Elles peuvent aussi être consécutives au traitement spécifique chez les patients traités avec succès (notamment aux anti-aromatases largement prescrites chez les femmes ayant eu un cancer du sein hormono-dépendant et pouvant provoquer des douleurs articulaires et/ ou musculaires).
Mais, heureusement, dans bien des cas, les douleurs sont fortuites, de type mécanique et sans rapport avec le cancer. Les douleurs pourraient également être la conséquence du choc psychologique qu’entraîne la découverte du cancer primitif.
Lors de la première consultation, je m’attache à faire un diagnostic précis. Une douleur de type inflammatoire qui persiste au repos est très suspecte. Après une écoute attentive du patient l’examen clinique est fondamental en insistant sur les seins, les reins, la prostate, le poumon et la thyroïde. Il convient ensuite, si nécessaire, de recourir à des examens : prise de sang, radiographie, échographie, scanner, résonnance magnétique (IRM), scintigraphie ou encore Petscan… utilisés à bon escient et dans le bon ordre.
Pour soulager la douleur, j’ai mis au point une technique d’injections locales superficielles sans effets secondaires sur des points douloureux anatomiques précis, après une palpation minutieuse des tendons, des ligaments et des muscles et même de la peau. Ces injections, composées d’un mélange d’anti-inflammatoire, d’anesthésiant et d’une très faible dose d’un corticoïde à action rapide peuvent être efficaces de façon rapide et durable. Le résultat peut également être intéressant dans le cas de douleurs dues à des métastases ou consécutives au traitement du cancer (radiothérapie, chirurgie…). Cette technique doit être différenciée des infiltrations classiques profondes de cortisone ainsi que des micro-injections cutanées multiples et très superficielle de la mésothérapie. Elle peut être associée à la prescription d’antalgiques, d’antidépresseurs ou encore de morphine en cas de douleurs très intenses.
Les risques de la morphine sont surestimés. En cas de douleur cancéreuse, elle engendre peu de dépendance et de toxicomanie. Les effets secondaires certes fréquents sont purement fonctionnels : constipation qu’il faut prévenir, nausées, somnolence et vertiges.
Le soulagement de la douleur cancéreuse, trop souvent négligée et sous-traitée a pour objectifs le mieux-être du malade, le maintien de sa dignité de personne humaine et un meilleur combat contre la maladie.
Une patiente est venue un jour se plaindre de douleurs rebelles du bas du dos irradiant dans l’aine avec un scanner normal. Comme la douleur persistait, même au repos, malgré les injections locales et antalgiques habituels, j’ai demandé une IRM qui a permis de déceler un cancer débutant dans la 1ère vertèbre lombaire (au dessus de la région explorée par le scanner).
L’une de mes malades était confrontée à de fortes douleurs dues à des métastases osseuses d’un cancer du sein. J’ai pu la soulager grâce à ces injections et, même à un stade avancé de la maladie, elle a pu voyager pendant des mois, libérée de sa souffrance. Une autre de mes patientes, guérie d’un cancer de l’utérus, a également été soulagée par ce traitement alors qu’elle souffrait depuis plus de dix ans des suites de la radiothérapie qui avait endommagé certains tissus.
Lorsqu’un patient se plaint de douleurs plus diffuses, parfois même dans un tableau de fibromyalgie, celles-ci peuvent être la conséquence d’un stress excessif profond lié au combat mené contre la maladie. Il convient alors d’adjoindre aux injections locales un anti dépresseur et/ou un antiépileptique qui ont une action propre sur certaines douleurs chroniques. Il importe également de rétablir le sommeil souvent perturbé par l’anxiété. Le cercle vicieux douleur chronique-dépression est à éviter à tout prix. »