Mal de Dos : ce fléau des temps modernes n’épargne personne

Lombalgie, douleur cervicale ou dorsale, sciatique et cruralgie provenant du bas du dos, maux de tête et névralgie partant du cou… neuf personnes sur dix souffrent ou souffriront du dos un jour ou l’autre au cours de leur vie, de façon passagère, répétitive ou parfois même durable.
Il s’agit d’un phénomène de société principalement provoqué par des mauvaises postures prolongées et/ou des mouvements mal exécutés, souvent dans un contexte de surmenage, de stress excessif ou encore de sédentarité. Rien, en effet, n’est pire que l’inactivité et la station assise prolongée.
La première campagne nationale de sensibilisation du grand public par l’Assurance Maladie, lancée en novembre 2017, pour lutter contre les lombalgies s’intitulait : « Mal de dos ? Le bon traitement, c’est le mouvement… le mieux est de bouger pour éviter le passage à la chronicité » ! En effet, contrairement aux idées reçues, le repos prolongé et l'inactivité sont néfastes. Cette démarche médiatique témoigne de la nécessité d’une prise de conscience collective pour promouvoir l’activité physique, celle qui fait plaisir. Elle a eu un impact positif sur les croyances et les comportements de la population et a été suivie d’une baisse relative des arrêts de travail prescrits par les praticiens.

N’oublions pas, non plus, le rôle du psychisme et de l’humeur, la fameuse et pertinente expression populaire j’en ai plein le dos illustrant parfaitement l’image de cette souffrance.
Les conséquences d'un mal de dos persistant peuvent s’avérer graves en raison de leur retentissement sur le sommeil, le psychisme, la vie familiale, conjugale, professionnelle. En raison aussi, de leurs répercussions socio-économiques.
La crise sanitaire avec ses confinements, l’arrêt des activités sportives et l’essor du télétravail n’a rien arrangé.
Il faut agir et réagir ! Ce mal des temps modernes peut - et doit - être pris en charge énergiquement afin d’éviter les risques d’aggravation, de récidives, voire d’évolution vers la chronicité.
Aujourd’hui, il existe des solutions pour prévenir et même guérir ou du moins soulager le mal de dos que nous n'hésitons plus à qualifier de mal du siècle.

Ce que l’on nomme couramment mal de dos est ressenti à différents niveaux de la colonne vertébrale. On distingue en premier lieu les lombalgies, qui se situent au bas du dos dans la région lombaire, puis, en remontant, les dorsalgies qui concernent les douleurs affectant le milieu du dos et enfin les douleurs cervicales ressenties au niveau du cou.
Une douleur aiguë, intense peut s’accompagner d’un blocage : au niveau du bas du dos, c’est le classique lumbago, tandis qu’au niveau du cou, il s’agit d’un torticolis.
Une douleur chronique aura un retentissement psychologique. Mais qui dit chronique, ne veut pas dire définitif, incurable ou sans espoir.
La fragilité psychologique et un épisode dépressif, les évènements vécus comme traumatiques, la peur de se faire mal aux mouvements, la sédentarité et l’absence d’activité physique, des mauvaises conditions sociales, les longs arrêts de travail, une insatisfaction professionnelle, un harcèlement ou une mauvaise ambiance au travail sont des facteurs de risque d’un passage à la chronicité de la douleur, qui à son tour, va favoriser une dépression.

  • L’impact économique est très important, le mal de dos touchant deux salariés sur trois, tous secteurs et classes sociales confondus. Le coût économique pour la collectivité de la lombalgie chronique en croissance exponentielle. Il est direct (diagnostic et soins) et surtout indirect (arrêts de travail en forte progression, versement de pensions d’invalidité, perte de productivité).

 

Avant tout : poser un diagnostic précis
Un interrogatoire et un examen clinique minutieux, au besoin complétés par des examens complémentaires permettent de rechercher précisément la cause du mal.
Dans la plupart des cas, le mal de dos est mécanique ou plus exactement postural. Il est la conséquence d’une mauvaise utilisation de la colonne vertébrale dans les gestes et les positions de la vie quotidienne, professionnelle et sportive, mais aussi de la sédentarité et du stress mal géré. Certains facteurs génétiques et environnementaux, il faut le savoir, peuvent favoriser le mal de dos.

  • L’usure des disques, donnant naissance aux discopathies, est certainement le facteur le plus connu à l’origine de douleurs mais il n’est sûrement pas le plus important. Il peut s’agir aussi d’une souffrance issue des articulations vertébrales postérieures, des fibres nerveuses, des ligaments, des fascias ou encore de contractures musculaires. Placé entre deux vertèbres, le disque se détériore avec les années. Il se dessèche, s’affaisse et ne parvient plus à jouer son rôle d’amortisseur. La dégénérescence du disque ou discopathie conduit en réaction, par un phénomène naturel plutôt protecteur, à l’arthrose ou discarthrose avec ses becs de perroquet. Un disque usé et pincé peut occasionner des douleurs, mais heureusement il ne fait pas toujours souffrir. L’usure prématurée du disque et l’apparition secondaire d’une arthrose sont favorisées par une déformation préexistante tels une scoliose, par une surcharge pondérale, un traumatisme lombaire ou encore par des contraintes mécaniques comme la station assise prolongée, par des efforts répétés et mal exécutés, dus souvent à l’activité professionnelle ou à la pratique de certains sports à haut risque.

Une contrainte excessive peut faire sortir vers l’arrière la substance gélatineuse du noyau central en position latérale droite ou gauche à travers une déchirure de l’anneau fibreux du disque usé, provoquant alors une hernie discale. Le canal rachidien contient les racines nerveuses issues de la moelle. De ce fait, une racine du nerf sciatique, du nerf crural ou d’un autre nerf rachidien peut être comprimée et irritée.
Les conséquences diffèrent selon que la hernie touche un nerf ou non. La compression puis l’inflammation du nerf par une hernie discale provoquent une douleur nerveuse dite neuropathique avec sensations désagréables de brûlures, de fourmillements… En particulier, une hernie discale entre deux vertèbres lombaires peut entraîner selon la racine nerveuse comprimée une sciatique ou une cruralgie, la douleur lombaire irradiant dans un membre inférieur. Entre deux vertèbres cervicales, une hernie discale provoque une névralgie cervico-brachiale (NCB), la douleur, initialement cervicale, irradie alors dans un membre supérieur.

Précisons ici qu’une petite hernie discale mal placée, comprimant un nerf, peut être à l’origine d’une sciatique ou d’une névralgie du membre supérieur invalidante, alors qu’une grosse hernie discale peut être silencieuse et n’entraîner aucune douleur. Cependant, sachez qu’une hernie discale n’est pas visible sur des radiographies standards.
A titre d’exemple, ce n’est que si la douleur sciatique est rebelle au traitement médical bien conduit, que l’on aura recours au scanner ou à l’irm pour éventuellement envisager une intervention chirurgicale. En dehors du syndrome de la queue de cheval, la chirurgie mini invasive doit être une solution de dernier recours, elle ne concerne qu’une minorité de hernies, celles qui ne se résorbent pas spontanément.

  • On inclut dans les douleurs mécaniques l’arthrose de la colonne vertébrale qui touche les disques et les articulations postérieures. En réalité, l’arthrose vertébrale, notamment cervicale et lombaire, est très fréquente après la quarantaine, heureusement souvent silencieuse et non douloureuse. Cependant, une arthrose à un stade avancé peut comprimer et irriter une racine nerveuse et souvent même, chez le sujet plus âgé, rétrécir le canal rachidien. Il importe toutefois d’éviter le diagnostic facile de banale arthrose vertébrale et d’éliminer toutes les autres causes de mal du dos.

 

  • Lorsque la douleur survient ou persiste au repos et, de surcroit, réveille le malade dans la seconde partie de la nuit, elle a plutôt une origine inflammatoire. Dans ce cas, des examens appropriés permettront de diagnostiquer notamment une spondylarthrite qui est un rhumatisme inflammatoire chronique après disposition génétique débutant habituellement dans la région lombaire ou encore, mais heureusement très rarement une tumeur bénigne ou non, voire une infection. Ces formes secondaires, de loin les plus rares, doivent être reconnues le plus précocement possible car elles nécessitent des traitements appropriés.

 

  • Aussi, une fracture de vertèbre par ostéoporose voire une fissure du sacrum peuvent survenir spontanément ou à la suite d’un traumatisme minime.

 

  • Contrairement aux apparences, une douleur ressentie au niveau du dos peut aussi s’avérer être une projection douloureuse provenant d’ailleurs. Attention surtout à la douleur piège d’un ulcère de l’estomac ou d’une maladie du pancréas pouvant se révéler par une douleur isolée du milieu du dos. Une douleur projetée dans le dos peut provenir d’une maladie du cœur, des vaisseaux ou des poumons. Une douleur lombaire peut avoir son origine dans le rein lui-même, surtout en cas de calcul rénal…

 

  • En cas de douleurs chroniques, notamment de lombalgie, le repos prolongé et la suppression des activités sont néfastes : les muscles s’atrophient par inactivité et immobilité, les os se fragilisent, le patient devient passif, le sentiment d’isolement, de dévalorisation croît, et le moral baisse. La peur du mouvement s’installe. Il faut, au contraire bouger le plus rapidement possible, le mouvement provoque une sécrétion d’endorphines et de substances anti-inflammatoires. Une fois la phase aigüe passée, vous pourrez reprendre une activité physique progressive et régulière avec un impact direct sur vos émotions et votre capacité à moins ressentir la douleur. Le port d’une ceinture lombaire en cas de conduite automobile, de manutention ou de gestes répétitifs peut aider à la reprise des activités. En évitant, bien sûr, les excès, c’est-à-dire sans dépasser vos limites ni poursuivre une activité physique qui fait souffrir. Différentes études ont clairement démontré que les douleurs duraient plus longtemps chez les personnes restant sédentaires que chez celles qui étaient actives en continuant à vivre normalement.

 

Les femmes en sont les premières victimes !
Les douleurs lombaires et les sciatiques, notamment au travail, touchent autant l’homme que la femme. Cependant, les femmes sont nettement plus exposées aux douleurs cervicales, dorsales et du coccyx pour des raisons anatomiques, physiques, psychologiques et hormonales.
Pourquoi cette inégalité entre homme et femme face à la douleur ? Les femmes, on le sait, vivent plus longtemps que les hommes, une inégalité qui joue en leur faveur. Elles sont plus sensibles au stress cumulé à la maison comme au travail, ressentent davantage les émotions et auraient un sommeil de moins bonne qualité.
Elles ont de plus bien d’autres raisons de souffrir du dos.
Au quotidien, on constate une inégalité de répartition des charges chez les femmes devant concilier activité professionnelle et vie familiale avec parfois des tâches ménagères fatigantes, le port d’enfants en bas âge et souvent sans protection musculaire suffisante, une poitrine parfois trop forte, une cambrure lombaire excessive, le port de chaussures à talons trop hauts, les grossesses avec le relâchement des muscles et des ligaments, une dépression deux fois plus fréquente, parfois masquée, pouvant se révéler par des douleurs du dos.
Sans oublier avec l’âge et après la ménopause, l’ostéoporose, avec ses fractures de vertèbres, se manifeste par des douleurs lombaires ou dorsales et une diminution de la taille.
Des facteurs culturels jouent aussi un rôle, les femmes ont plus de facilité à être à l’écoute de leur souffrance, à exprimer leur douleur, et de ce fait, consultent plus que les hommes.

 

La médecine d’aujourd’hui se doit d’être plus préventive.

Les ennemis du dos
Les grands facteurs de risque sont :
  • la sédentarité, une musculature insuffisante, la position assise prolongée,
  • l’insomnie et le sommeil non réparateur,
  • le stress excessif lié à des conflits familiaux ou à une insatisfaction professionnelle
  • la manutention manuelle de charges lourdes,
  • les rotations brusques du dos ou du cou,
  • les longs trajets quotidiens en voiture, les vibrations liées à la conduite,
  • une mauvaise literie, la position couchée sur le ventre,
  • la surcharge pondérale,

Apprenez à protéger votre dos ! Ménagez-le. Pensez à corriger votre posture au quotidien, et ce, dès l’enfance. Evitez la position assise prolongée non adaptée à notre anatomie devant l’écran ou le smartphone.  Autrement dit : levez-vous, redressez-vous, étirez-vous et musclez-vous !
Adopter une bonne posture est une manifestation d’une certaine estime de soi. C’est aussi, une manière de se montrer plus respectueux envers autrui.
Prenez aussi tout simplement soin de vous, de votre ventre, de vos pieds, de vos dents et de votre mâchoire…

Dois-je ajouter que l’âge aidant, il convient de s’efforcer de bien vivre sa ménopause- et son andropause-, de prévenir les fractures par fragilité osseuse notamment de vertèbre et de hanche, parfois sévères. Contrairement à certaines idées reçues, l’ostéoporose est longtemps silencieuse et non douloureuse.

Quand vous ne vous exposez pas au soleil, notamment en hiver, supplémentez-vous en vitamine D pour profiter de ses bienfaits sur l’absorption du calcium et sa fixation sur les os.
Études après études, on découvre que ses bienfaits vont bien au-delà de la solidité de nos os. Savez-vous pourquoi la vitamine D est indispensable pour notre santé ? Parce qu’elle a des effets extra osseux bénéfiques inattendus multiples et variés sur les muscles et qu’elle nous préserve à sa manière contre les chutes. Parce ce qu’elle contribue à améliorer nos capacités intellectuelles et notre moral. Un déficit profond en vitamine D amplifie la douleur chronique mais également la tendance dépressive, ce qui peut aggraver les plaintes douloureuses.
Nous devons envisager, à titre préventif, une supplémentation systématique en vitamine D toute l’année, notamment chez les sujets âgés qui la synthétisent beaucoup moins et chez toute personne ne s’exposant pas au soleil. Il importe de savoir que la probabilité d’un déficit est extrêmement élevée, alors que le risque de surdosage est quasiment nul.

 

Ne rester pas sans agir avec ses douleurs.
On ne s’habitue pas aux douleurs et il ne faut d'ailleurs pas s'y habituer. Le retentissement de douleurs, qui évoluent depuis plusieurs mois ou années est très important et s’accompagne de difficultés dans le travail, la vie familiale et conjugale, les loisirs… La souffrance diminue l’activité physique, altère le sommeil et provoque une dépression secondaire. Il est important de traiter ces douleurs ou du moins de les soulager le plus précocement possible, avant qu’elles ne se répercutent sur le moral et la qualité de vie. J’ajoute qu’il convient naturellement de s’intéresser simultanément à ce que j’appellerais l’histoire du patient.
Pourtant être soulagé est un droit, autant qu’une nécessité. Et la prise en charge d’une pathologie implique de créer un lien de confiance dans la relation soignant-patient.

Patients, ne comptez donc pas que sur une ordonnance miracle de médicaments délivrée par votre médecin ! Sachez que la sédentarité et l’absence d’activité physique, le stress excessif et la tristesse favorisent la persistance de la douleur.

Soignants, recherchez nécessairement la cause du mal. Prenez en charge le patient dans sa globalité et non que sous le seul angle de sa maladie.
A cet égard, le praticien se doit, par exemple, d’arrêter de leur dire c’est dans la tête, d'éviter la facilité du surdosage au paracétamol qui, sur le long terme, peut causer des dommages au foie. Il doit de la même manière se montrer attentif à l’usage des antidouleurs opioïdes, source de situations de dépendance voire d’addiction.
Enfin, et je dirais surtout, n’oublions pas que les traitements locaux, au siège même des douleurs, peuvent être souvent d’un grand secours. Les injections locales superficielles personnalisées permettent de soulager rapidement et durablement le patient, sans effets secondaires. Elles sont à différencier des infiltrations profondes de cortisone ainsi que des micro-injections cutanées multiples de la mésothérapie.