Pour vivre heureux, vivons sans douleurs

1/ Vous considérez, à travers vos écrits et vos discours, que soulager les douleurs est le but essentiel de votre travail. Pourquoi ?

Qu’elle soit aigüe ou chronique, soulager la douleur est une priorité. Mais il faut nécessairement chercher la cause du mal et prendre en charge le patient dans sa globalité, et non que sous le seul angle de sa maladie.

Le retentissement de douleurs, qui évoluent depuis plusieurs mois ou années est très important et s’accompagne de difficultés dans le travail, la vie familiale et conjugale, les loisirs… La souffrance diminue l’activité physique, altère le sommeil et peut provoquer une dépression secondaire. Il est important de traiter ces douleurs ou du moins de les soulager le plus précocement possible, avant qu’elles ne se répercutent sur le moral et la qualité de vie. J’ajoute qu’il convient naturellement de s’intéresser simultanément à ce que j’appellerais l’histoire du patient et surtout d’arrêter de leur dire « c’est dans la tête, vous n’avez rien ».

 

2/ Vous avez mis au point une technique spécifique d’injections. En quoi consiste-elle ?

Après mon clinicat, dès que je me suis installé en ville, j'ai très vite mis au point une technique peu conventionnelle d'injections locales superficielles.

Elles sont à différencier des infiltrations profondes de cortisone ainsi que des micro-injections cutanées multiples de mésothérapie. La méthode consiste à injecter assez superficiellement, avec une fine aiguille, un anesthésique local, une ampoule d’anti-inflammatoire et une très faible dose de corticoïde au siège même de la douleur.

Elles permettent de réduire l’inflammation, d’agir directement sur les fibres nerveuses de la douleur et de bloquer la transmission du message douloureux.

Après une palpation minutieuse, les injections sont effectuées exactement au niveau des zones douloureuses, qui correspondent à la souffrance d’un ligament, d’un tendon ou à une contracture musculaire. Elles peuvent aussi être effectuées dans un pincé-roulé cutané douloureux et épaissi. Les fascias qui enveloppent à la manière d’un bandage, à la fois dense et irrégulier, les éléments composants notre corps pourraient être à l’origine méconnue de nombreuses pathologies rhumatologiques douloureuses dont le mal de dos.

Quelle que soit la localisation de la douleur, d’origine mécanique (lombalgie, tendinite, arthrose…), inflammatoire (rhumatisme), neuropathique (sciatique, névralgie, céphalée cervicale…), en cas de douleurs diffuses par hypersensibilité à la douleur du syndrome fibromyalgique ou encore en cas de séquelles douloureuses après une fracture ostéoporotique de vertèbre, de hanche, du poignet ou du bassin…, cette méthode permet de soigner rapidement et très souvent durablement le patient.

Il n’y a pas de contre-indications à ces injections, qui peuvent être faites aussi bien chez les sujets atteints de troubles digestifs (avec un protecteur de l’estomac) que chez les personnes âgées et même chez les patients traités par anticoagulants ou antiagrégants plaquettaires : aspirine à faible dose et clopidogrel (Plavix®).

Ce traitement local, peu douloureux est dénué d’effets secondaires. Il présente l’avantage d’éviter les effets indésirables de la prise prolongée de médicaments et, parfois même le recours à la chirurgie.

A cet égard, le praticien se doit, par exemple, d'éviter la facilité du surdosage au paracétamol qui, sur le long terme, peut causer des dommages au foie. Il doit de la même manière se montrer attentif à l’usage des antidouleurs opioïdes, source d’effets indésirables, de dépendance voire d’addiction.

 

3/ Vous avez encouragé le développement d’une école du dos autour des problèmes de lombalgies. En quoi cela a-t-il consisté ?

Rien n’est pire en effet que la sédentarité et la station assise prolongée. Le mieux est de bouger pour éviter le passage à la chronicité. Contrairement aux idées reçues, le repos prolongé et l’inactivité sont néfastes.

Les écoles du dos sont des structures qui ont pour objectif de traiter mais surtout d’éviter la récidive des douleurs du dos. Pour un petit groupe de patients, par des informations théoriques et pratiques, le sujet doit apprendre à mieux connaître son dos et à mieux l’utiliser. Cette méthode de prévention est basée sur l’utilisation correcte de la colonne dans les différentes positions et situations de la vie courante. Est associé un programme d’exercices accompagnés d’une respiration adéquate avec contrôle du bassin, étirements, renforcement des muscles du dos et de la sangle abdominale.

L’objectif est bien entendu de pratiquer raisonnablement son sport favori, celui qui est à son goût. Sachez que toute personne lombalgique chronique qui pratique une activité sportive régulière voit de plus diminuer son risque de diabète, de surpoids, de maladies cardio-vasculaires mais aussi de cancer et de troubles cognitifs.

Il serait donc bon d’encourager la création d’écoles du dos ainsi qu’une large diffusion d’un enseignement pratique en ce domaine de prévention, notamment dans les entreprises.

 

4/ Parallèlement à votre activité de rhumatologue, vous avez enseigné dans diverses structures. Pouvez-vous nous en faire un panorama ?

J'ai effectivement passé beaucoup de temps à écrire, à publier et à donner des conférences d'internat de biologie d'abord puis de médecine. Également d'anatomie pour les premières années de médecine.

J’ai aussi voulu transmettre mon expérience professionnelle en écrivant des articles à destination d’un public averti mais également pour le grand public ainsi que des livres sur le Mal de dos, l’ostéoporose, la vitamine D, la fibromyalgie et le bonheur, une ordonnance pour votre santé. La rédaction de ces livres m’a permis de vulgariser un peu la science et la médecine, afin de permettre à chacun de comprendre exactement ce qui se passe dans son corps et ainsi pouvoir participer à un traitement actif.

 

5/ Vous êtes l’auteur de nombreuses publications. Tout compte fait, quel est, dans votre domaine, le « mal du siècle » ?

Je n’hésite pas à qualifier de mal du siècle, le mal de dos. Ce fléau des temps modernes, en constante augmentation, n’épargne personne.

Il affecte neuf personnes sur dix, un jour ou l’autre au cours de leur vie, de façon passagère, répétitive ou parfois même durable. La crise sanitaire avec ses confinements, l’arrêt des activités sportives et l’essor du télétravail n’a rien arrangé.

La fragilité psychologique, un épisode dépressif, le stress excessif et la tristesse, les évènements vécus comme traumatiques, la peur de se faire mal aux mouvements, la sédentarité et l’absence d’activité physique, des mauvaises conditions sociales, les longs arrêts de travail, une insatisfaction professionnelle, un harcèlement ou une mauvaise ambiance au travail favorisent la persistance de la douleur, qui à son tour, va déclencher une dépression.

Avant tout, il faut poser un diagnostic précis. Un interrogatoire et un examen clinique minutieux, au besoin complétés par des examens complémentaires permettent de rechercher précisément la cause du mal.

L’usure des disques, donnant naissance aux discopathies, est certainement le facteur le plus connu à l’origine de douleurs mais il n’est sûrement pas le plus important. Il peut s’agir aussi d’une souffrance issue des articulations vertébrales postérieures, des fibres nerveuses, des ligaments, des fascias ou encore de contractures musculaires.

Lorsque la douleur survient ou persiste au repos et, de surcroit, réveille le malade dans la seconde partie de la nuit, elle a plutôt une origine inflammatoire. Dans ce cas, des examens appropriés permettront de diagnostiquer une spondylarthrite qui est un rhumatisme inflammatoire chronique, ou encore, mais heureusement très rarement une tumeur bénigne ou non, voire une infection. Ces formes secondaires, de loin les plus rares, doivent être reconnues le plus précocement possible car elles nécessitent des traitements appropriés.

Aussi, une fracture de vertèbre par ostéoporose voire une fissure du sacrum peuvent survenir spontanément ou à la suite d’un traumatisme minime, notamment chez la femme après la ménopause.

Contrairement aux apparences, une douleur ressentie au niveau du dos peut aussi s’avérer être une projection douloureuse provenant d’ailleurs. Attention surtout à la douleur piège d’un ulcère de l’estomac ou d’une maladie du pancréas pouvant se révéler par une douleur isolée du milieu du dos. Une douleur projetée dans le dos peut provenir d’une maladie du cœur, des vaisseaux ou des poumons. Une douleur lombaire peut avoir son origine dans le rein lui-même, surtout en cas de calcul rénal…

 

6/ Vous vous intéressez à la traumatologie du sport. Quels sont les pathologies les plus fréquentes dans ce domaine et quels sont les moyens de les soigner ?

En dehors des douleurs du dos, je vois énormément de tendinites d’épaule, de coude, de hanche, du tendon d’Achille, du genou, …

Je les soulage par mes injections locales superficielles suivies par trois jours d’anti-inflammatoires non stéroïdiens en l’absence de contre-indication notamment digestive.

Il est préférable, de toute façon, d’éviter toute chirurgie intempestive, même si elle est mini-invasive avec l’aide de l’endoscopie, et ne pas opérer trop vite une hernie discale ou une arthrose rachidienne devant une douleur lombaire rebelle. Tout comme éviter d’opérer une fissure de ménisque devant une douleur de genou. Sachez que dans les dix années qui suivent une méniscectomie, le patient a un risque sur deux de développer une arthrose douloureuse.

Quel que soit le sport pratiqué, que vous soyez sportif du dimanche ou de haut niveau, l’absence d’échauffement et les mauvais gestes techniques peuvent provoquer des traumatismes sportifs qui sont des facteurs de risque des tendinites mais aussi de douleurs de dos et d’arthrose.

 

7/ Vous préparez un nouveau livre intitulé « Vivre sans douleurs en meilleur santé et plus heureux ». Quel en sera le fil conducteur ?

Comment faire du bien à son corps et à son esprit ? Commençons donc par prendre de bonnes résolutions en amorçant de modestes changements dans notre comportement, notre environnement proche et notre hygiène de vie.

Non seulement ces nouvelles habitudes acquises nous feront du bien mais elles nous permettront d’être moins stressés, plus heureux, de vivre plus longtemps, en bien meilleure santé, de mieux résister aux maladies infectieuses tout en limitant les comportements dépressifs, les épisodes de burn-out, les effets du surpoids et du diabète de type 2, les maladies cardio-vasculaires, l’asthme, les risques de développer des cancers, les troubles de mémoire liés à l’âge… Vivre au quotidien avec moins de maux de tête, de douleurs rhumatologiques comme le mal de dos ou l’arthrose, ce n’est pas impossible. Ou plutôt, c’est possible !

Il faut en effet savoir que lorsque vous êtes de bonne humeur, vous réduisez vos tensions musculaires, vous diminuez vos sensations de douleur, vous améliorez votre sommeil, vous protégez votre cœur, votre tension artérielle et votre appareil digestif, vous renforcez vos défenses immunitaires, vous gérez mieux votre excès de stress, ce qui vous permet de mieux vieillir. Et c’est donc ainsi que vous tiendrez la dépression à distance.

En référence à ce que les biologistes nomment en terme technique épigénétique, je veux parler ici de l’environnement épigénétique qui dicte l’expression de nos gènes. Pour le dire simplement, notre environnement épigénétique est directement conditionné par :

  • notre état de stress en acceptant les situations telles qu’elles sont avec la volonté de rebondir face aux incidents de la vie,
  • notre alimentation qui doit être variée, saine et équilibrée, si possible bio, riche en acides gras oméga 3, en fruits et légumes pour les anti-oxydants, les vitamines, les fibres, tout en évitant les produits industriels ultra transformés, pour un microbiote intestinal riche et diversifié,
  • l'activité physique qui devrait être régulière associée à des exercices de gymnastique adaptés,
  • un sommeil de qualité indispensable pour nettoyer son cerveau, pour une bonne humeur, notre santé physique et psychique, en se déconnectant des nouvelles technologies émettant une lumière bleue qui va retarder la libération de mélatonine,
  • notre niveau de satisfaction associé au bonheur, au plaisir, au rire, à l’amour et à la qualité des relations aux autres… Il suppose, pour l’essentiel, de nous garder de tout excès, de toutes formes d'addictions susceptibles d’impacter notre santé.

La médecine d’aujourd’hui se doit d’être plus préventive, j’aborderai la prévention du mal de dos, de l’ostéoporose, des maladies cardio-vasculaires, du risque de cancers et des maladies infectieuses… Il y aura bien sûr un chapitre sur l’indispensable vitamine D dont ses bienfaits vont bien au-delà de la solidité de nos os. La vitamine du soleil contribue à améliorer nos capacités intellectuelles, notre moral, la réponse du système immunitaire et joue un rôle dans la prévention de la grippe et des infections respiratoires aigües. Elle tempère l’orage cytokinique à l’origine de la détresse respiratoire aigüe qui caractérise les formes sévères de Covid 19.