I) L’OSTEOPOROSE : UNE MALADIE FREQUENTE, PARFOIS SEVERE
L’ostéoporose, caractérisée par une diminution de masse osseuse et une altération de sa qualité, est responsable d’une fragilité osseuse avec risque accru de fractures notamment des vertèbres et du col du fémur.
La survenue d’une première fracture ostéoporotique augmente le risque d’en faire d’autres : on parle de « cascade fracturaire ». Par exemple, après une fracture vertébrale, le risque de nouvelle fracture de vertèbre est multiplié par 4, le risque de fracture du col du fémur est multiplié par 2.
Les fractures surtout du col fémoral, mais également de vertèbre, sont considérées comme sévères car elles s’accompagnent d’une altération de la qualité de vie et surtout d’une diminution de l’espérance de vie.
Les patients doivent être informés des risques liés à cette maladie silencieuse et également des effets indésirables du médicament prescrit.
II) LES BIPHOSPHONATES : LE TRAITEMENT DE FOND DE REFERENCE CONTRE L’OSTEOPOROSE
Le traitement de l’ostéoporose, dont le but est de réduire la survenue de fractures par fragilité osseuse, nécessite des mesures préventives non médicamenteuses que nous ne détaillerons pas : activité physique régulière « en charge » c'est-à-dire à forts impacts au sol, prévention des chutes, apport en calcium de préférence alimentaire, supplémentation en vitamine D.
Seuls les patients à haut risque de fracture (Tscore inférieur à -3 à l’ostéodensitométrie) ou de récidive dès la 1ère fracture doivent être traités.
L’insuffisance en vitamine D va réduire l’efficacité du médicament. Il est donc important de la corriger avant d’instituer le traitement, tout en poursuivant une supplémentation d’entretien en vitamine D.
Les Biphosphonates sont souvent utilisés en première intention, parfois après un traitement hormonal substitutif et/ou le Raloxifène. Ils freinent la destruction osseuse en inhibant l’activité des ostéoclastes, augmentent la masse osseuse et diminuent d’environ 50% le risque de survenue de fractures dues à l’ostéoporose, non seulement de vertèbre, mais également chez le sujet âgé, du col du fémur.
Il s’agit de l’alendronate (Fosamax 70®) et du risedronate (Actonel 35®) : un comprimé par semaine à prendre à distance de la prise d’aliments, en position debout ou assis, avec un grand verre d’eau faiblement minéralisée. Il ne faut pas se coucher après la prise du médicament pour éviter le risque d’érosions œsophagiennes. Le risedronate (Actonel 75®) est également prescrit à raison d’un comprimé 2 jours consécutifs par mois.
L’alendronate est actuellement associé à la vitamine D3 (Fosavance® ou Adrovance 5600®). L’association biphosphonate – vitamine D (5600 UI de vitamine D3 par semaine, soit l’équivalent de 800 UI par jour) peut représenter une solution de choix, à condition bien sûr que l’observance du traitement soit bonne. On conseillera alors de privilégier les apports alimentaires riches en calcium : produits laitiers, eaux fortement minéralisées (Contrex, Hépar, Courmayeur).
Le Zolédronate (Aclasta® 5mg injectable) est administré en perfusion intraveineuse unique, très lente, qu’une fois par an, avec comme effet indésirable sans conséquence clinique un syndrome pseudo-grippal, qu’il faut prévenir. Il est contre-indiqué en cas d’insuffisance rénale.
III) L’OSTEONECROSE DE LA MACHOIRE : UN RISQUE TRES FAIBLE
La fréquence de cette complication du traitement contre l’ostéoporose par biphosphonates à faible dose est très difficile à déterminer, de l’ordre d’un cas sur 10 000 à 100 000 patients.
Elle est en fait surtout observée chez les malades traités de façon prolongée et à forte dose par un biphosphonate injecté par voie intraveineuse dans le cadre de pathologies malignes : métastases osseuses (cancer du sein...) ou myélome.
Il s’agit d’une mise à nue de l’os nécrosé par ischémie (réduction du débit sanguin local) avec risque de surinfection qui ne cicatrise pas après 8 semaines d’évolution. Elle atteint plus souvent le maxillaire inférieur encore appelé mandibule.
La douleur est le principal symptôme mais elle peut être absente.
Certains diagnostics différentiels doivent être éliminés : carie profonde, ostéite, tumeur osseuse et bien sûr nécrose après radiothérapie cranio faciale.
Les principaux facteurs de risque d’ostéonécrose de la mâchoire sont la voie veineuse (la plus toxique), la durée prolongée du traitement, l’infection, l’association à un traitement corticoïde ou à une chimiothérapie, les extractions dentaires traumatisantes, les prothèses amovibles inadaptées, la maladie parodontale, le diabète, l’alcoolo - tabagisme et une mauvaise hygiène bucco-dentaire.
Le patient doit être informé du risque de nécrose de la mâchoire afin de le motiver pour une parfaite hygiène dentaire et un suivi régulier par le chirurgien dentiste au moins une fois par an.
Un bilan bucco-dentaire complet (clinique et radiographique) et les soins appropriés visant à obtenir un état dentaire sain sont nécessaires avant de débuter le traitement.
Chez les patients traités par biphosphonates, les soins dentaires ou parodontaux peuvent être réalisés sans restriction. Lorsque les possibilités de soins conservateurs sont dépassées, une extraction dentaire ou une chirurgie buccale pourront être réalisées mais la moins traumatisante possible, avec suture des berges pour obtenir une cicatrisation de première intention, bains de bouche à la chlorhexidine biquotidiens et couverture antibiotique.
Que répondre aux patients qui nécessitent la pose d’implant dentaire ? Elle est possible chez les patients traités par biphosphonates pour ostéoporose; mais après vérification et supplémentation en vitamine D, toujours avec prudence, avec prescription de bains de bouche à la chlorhexidine et d’antibiotiques jusqu’à cicatrisation complète, surveillance prolongée et suivi régulier (2 fois par an) afin de détecter toute pathologie péri-implantaire. Elle est contre-indiquée chez les patients traités par biphosphonates par voie intraveineuse pour une pathologie maligne (Selon les recommandations de l’afssaps de 2007, de la société française de stomatologie et de chirurgie maxillo-faciale).
Le traitement de l’ostéonécrose va être tout d’abord préventif avec l’élimination de tous les foyers infectieux dentaires. Lorsque l’ostéonécrose est constituée, il faut prescrire une antibiothérapie continue, des bains de bouche et éventuellement une chirurgie avec exérèse des séquestres osseux.
CONCLUSION :
L’ostéonécrose de la mâchoire, complication exceptionnelle des biphosphonates utilisés pour l’ostéoporose, ne remet pas en question l’intérêt du traitement.
Il n’est pas justifié d’interrompre de manière systématique, sans avis préalable du médecin prescripteur, un traitement par biphosphonates en cas de soins dentaires chirurgicaux car le médicament s’accumule dans les travées osseuses et y persiste pendant de nombreuses années.
Cependant, il semble logique de ne pas dépasser 5 années de traitement par les biphosphonates.
Ce risque, également exceptionnel, de nécrose de la mâchoire existe aussi avec la biothérapie qui ne peut être utilisée qu’en 2ième intention après les biphosphonates. C’est un anticorps qui empêche la destruction du tissu osseux en inhibant directement les cellules destructrices des os (les ostéoclastes) : Il s’agit du dénosumab (Prolia®), en injection sous-cutanée tous les 6 mois.
Chez les personnes à haut risque de fracture, ces médicaments qui inhibent la destruction osseuse ont un rapport bénéfique / risque favorable. Cependant, la prévention est fondamentale : bonne santé bucco dentaire avant et pendant le traitement, collaboration étroite médecin prescripteur-chirurgien dentiste.
Avec la collaboration du Dr Sandy Cohen / Chirurgien-Dentiste